Ogm poison, Gilles-Eric Séralini à l'Assemblée Nationale
Membre du comité de parrainage de mon documentaire en cours www.ducoqalame.fr : Le Pr Gilles-Eric Séralini, Président du Conseil Scientifique du CRIIGEN
Co-Directeur du Pôle Risques, Qualité et Environnement Durable - MRSH-CNRS, membre du comité de parrainage du film
Université de Caen - Institut de Biologie IBFA
Laboratoire Estrogènes et Reproduction EA2608
à l'Assemblée Nationale :
Seralini et la commission des OGM
Terre
Séralini : «Notre étude sur les OGM porte sur deux ans, contre trois mois seulement pour celles autorisant les cultures...»
12 octobre 2012 à 14:55
Gilles-Eric Séralini à Bruxelles le 20 septembre 2012.
Gilles-Eric Séralini à Bruxelles le 20 septembre 2012. (Photo Yves Herman. Reuters)
Interview Le professeur Gilles-Eric Séralini, auteur de recherches dénonçant la toxicité d’un maïs OGM, répond aux critiques sur ses méthodes.
Le 19 septembre, le professeur Gilles-Eric Séralini a lancé un pavé dans la mare des OGM en publiant une étude dans une revue de toxicologie Food & Chemical Toxicology. Durant vingt-quatre mois, l'équipe du chercheur a nourri des rats à partir de maïs OGM NK-603. D’après leurs conclusions, les rats nourris au maïs transgénique ont développé cinq fois plus de tumeurs que les rats témoins. Depuis la publication, les critiques fusent : la méthodologie de l'équipe de l’université de Caen serait mauvaise et les intentions clairement militantes. L’Autorité européenne de sécurité sanitaire a retoqué l'étude, la jugeant insuffisante. Le Haut Conseil des biotechnologies et l’Anses ont été saisis par les ministres de l'Ecologie et de l’Agriculture. Quarante chercheurs ont publié une tribune dans l’hebdomadaire Marianne, tandis que Séralini était auditionné cette semaine à l’Assemblée nationale. Il répond ici aux attaques dont il est l’objet.
Depuis sa parution, votre étude est très controversée, notamment sur sa méthodologie. Que répondez-vous à toutes ces attaques ?
Ce qui est extraordinaire, c’est de voir que la polémique part de ces mêmes personnes qui ont demandé et autorisé la mise sur le marché du maïs OGM NK-603 et du Roundup. On nous reproche d’avoir utilisé une souche de rats sensibles, qui développent des tumeurs en fin de vie. Ce sont des Sprague-Dawley, une souche habituellement utilisée en toxicologie, et je rappelle que c’est sur la même souche de rats qu’ont été testés tous les OGM autorisés. Avec une espèce plus résistante, on ne verrait pas le développement des effets des pesticides ou des plantes transgéniques sur les organismes. On nous accuse de ne pas avoir de statistiques. Mais il n’y a pas d'équation qui puisse être écrite à partir de ces courbes factuelles. Les courbes des tumeurs ne sont pas des moyennes, mais des valeurs brutes.
On nous reproche notre protocole, or, nous avons récolté jusqu'à 100 paramètres biochimiques par rat, 11 fois sur 200 rats. Nous avons prélevé 34 organes de rat ! Notre protocole est bien meilleur que la plupart des protocoles existants. Par ailleurs, notre étude porte sur vingt-quatre mois, soit deux ans, il n’y a pas de test OGM plus long au monde, puisque les études qui conduisent à l’autorisation des plantes transgéniques portent sur trois mois seulement. Objectivement, nous avons réalisé le test le plus long et le plus détaillé au monde sur n’importe quel OGM et n’importe quel pesticide. Je note également que nous sommes attaqués par des personnalités qui ne publient pas dans des revues à comité de lecture, et pas sur ces sujets.
L’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) estime que votre article n’a pas été élaboré «conformément aux bonnes pratiques scientifiques en vigueur, telles que les lignes directrices reconnues sur le plan international en matière d’études scientifiques et de communication des résultats».
Bien sûr, notre étude a des limites : au lieu de 10 rats par groupe, nous aurions dû travailler sur des groupes de 50 rats. Mais pour cela, il nous fallait 20 millions d’euros. Je veux bien admettre qu’avec dix rats par groupe, nous sommes limités. Mais il faut savoir que c’est ce que recommandent les protocoles de l’OCDE pour les analyses de toxicologie à court terme [protocoles 408 et 413, ndlr] : des groupes de vingt rats, répartis en dix rats par sexe. Personne au monde n’a lancé d'étude de carcinogénèse avec des groupes de 50 rats sur ces produits. Notre étude était un préalable indispensable pour cela. Qu’attendent les pouvoirs publics pour le faire ? Vous comprenez ce qui se passe si on a raison ? On montre pour cela le laxisme de celles et ceux qui ont autorisé le NK-603. Tous ces gens-là se sont assis sur des études, notamment celles de Monsanto, qui ont révélé 50 effets significatifs en trois mois de tests et les ont sous-estimés.
Qu’attendez-vous de la saisie du Haut Conseil des biotechnologies, de l’Anses et de l’Efsa, qui doivent rendre des avis d’ici au 20 octobre ?
Très franchement, rien. Je ne reconnais pas l’Efsa comme une autorité indépendante. Le quitus de son budget n’a pas été donné pendant une longue période pour conflits d’intérêts par le Parlement européen. L’Efsa nous réclame les données de nos tests. Nous sommes d’accord pour les rendre publiques, à condition que ces agences mettent elles-aussi sur le tapis les données de leurs tests qui ont conduit à l’autorisation des OGM et du Roundup. Il faut que ces éléments soient tous disponibles, mis en ligne sur un site public, afin que chacun puisse comparer ce qui a été fait ou pas. Je rappelle que nombre de personnes siégeant à l’Efsa vont devoir se prononcer sur une étude qui remet en cause leurs propres procédures d'évaluation des plantes transgéniques. Comment imaginer que ces personnes se déjugent à ce point ?
N’est-ce pas ainsi que progresse la science, justement, en s’emparant de données nouvelles ?
Absolument. C’est ce que je demande, transparence contre transparence.
Si vos travaux se révèlent exacts, comment expliquer que les millions d’animaux d'élevage nourris aux OGM à travers le monde ne développent pas le même type de tumeurs que vos rats ?
De la même façon qu’il n’existe que très peu de registres de cancers pour l’homme, il n’y a pas de registre vétérinaire pour les animaux. Qu’il s’agisse des vaches laitières, des porcs, des poulets, il n’existe pas de biovigilance, ni de traçabilité de ce qu’ils mangent. Et d’une manière générale, les animaux d'élevage sont tués très jeunes.
Vos détracteurs regrettent le montage médiatique de l’affaire : faut-il assortir une étude scientifique d’un livre, d’un film au cinéma, d’un reportage ?
On nous accuse d’avoir passé un deal pour semer la peur. Je dirais que le deal mortifère se situe plutôt du côté de l’industrie des biotechnologies et des experts qui autorisent ces tests laxistes. Il faut arrêter, nous ne sommes pas en train de jouer à faire de la communication, nous parlons d’un problème grave de santé publique. Il y a pas eu buzz médiatique en Inde ou aux Etats-Unis, où nos travaux ont été repris et commentés et où il n’y a pas eu de film et livre. Pour nous, il était important de pouvoir témoigner de ce que l’on trouvait au fil de l’expérience. On a choisi de laisser deux équipes audiovisuelles venir filmer, en toute confidentialité, l’encadrement technique de l'étude. Ceux qui ont financé l'étude ont jugé qu’il fallait avoir des images. Ne rien montrer aurait été grave, pour moi, c’est une affaire de santé publique. Qu’il s’agisse des OGM ou du nucléaire, la problématique est la même : ces industries externalisent des risques à long terme. Ces films sont conformes à ce qu’on a fait, vu et dit. L’aspect spectaculaire est dans les résultats de l'étude, c’est ainsi. Les cacher serait malhonnête.
On vous reproche également le financement de votre étude par des fonds privés.
Mais nous avions commencé par solliciter l’Inra pour financer notre étude ! Notre financement est indépendant des producteurs de plantes transgéniques et des producteurs d’herbicides et de pesticides. Les motivations de la Fondation Ceres sont simples : depuis 1998, les distributeurs sont responsables des aliments qu’ils fournissent. Il y a aussi 50 PME-PMI et des fonds privés. Pour les groupes de distribution, il est important de connaître les effets de l’alimentation sur la santé. Depuis le scandale de la vache folle, ils jugent important de mener des expertises contradictoires sur la question des OGM. Je considère que nous sommes pris en otage : d’un côté, Monsanto affirme avoir obtenu des autorisations pour ses OGM, ce qui est vrai ; de l’autre, les gouvernements les laissent faire leurs tests confidentiels. Il faudrait imposer une taxe (cet argent qui leur sert à faire les tests) aux agro-industriels, qui servirait à financer des études indépendantes. Ce n’est pas aux impôts des gens de payer cela.
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