Tribune — Mercredi 2 mars 2011
Du moratoire au purgatoire : la descente aux Enfers du photovoltaïque
Finies les promesses du Grenelle devant les Français, finis les engagements de la France vis-à-vis de l'Europe, finis les 23 % d'énergies renouvelables en 2020 !
C'est ce qui se passera à coup sûr si le nouveau dispositif présenté au Conseil Supérieur de l'Énergie cette semaine est appliqué à l'issue du moratoire le 9 mars prochain : trop de restrictions, trop de contraintes, trop de complexité, trop d'incertitudes feront fuir les investisseurs, tel est clairement le but recherché.
Rassurés par des tarifs d'achat généreux — parfois au-delà du raisonnable — et confortés par la parole du Chef de l'État jurant en juin 2009 de mettre un Euro dans le solaire pour chaque Euro mis dans le nucléaire, — une myriade d'entrepreneurs enthousiastes ont pris le risque de créer en à peine 3 ans près de 25 000 emplois : n'auront-ils demain plus que leurs yeux pour pleurer ?
Le système de soutien mis en place en 2006 comportait des défauts de conception qui le rendaient coûteux et peu efficace, avec des niches de rentabilité exorbitante pour certaines applications et un refus obstiné de permettre à d'autres de se développer.
Les ingrédients étaient là, il restait à Jean-Louis Borloo à faire la promotion irresponsable des « tarifs d'achat les plus élevés du monde » pour que les remugles de la spéculation envahissent l'arrière-cuisine de la filière.
Censées calmer le jeu, les corrections successives apportées en 2010, mal calibrées et mal préparées, n'ont fait que l'accélérer.
Elles ont ainsi offert sur un plateau le prétexte qu'ils attendaient aux ennemis jurés d'une forme d'énergie qui, outre son caractère éminemment écologique, a l'insupportable défaut de pouvoir être mise en œuvre par tout un chacun.
Pensez donc ! Avec le photovoltaïque, le simple citoyen, l'agriculteur, l'artisan, la PME, la copropriété, le bailleur social, la collectivité locale, l'État lui-même peut, après la nécessaire réduction de sa consommation d'énergie par des efforts de sobriété et d'efficacité, faire un pas décisif vers l'autonomie énergétique et échapper ainsi à la mainmise des grands groupes qui ont mis le secteur en coupe réglée depuis des décennies : l'horreur absolue !
Les arguments les plus éculés et les plus faux ont été utilisés pour une campagne orchestrée de dénigrement de la filière énergétique préférée des Français dans tous les sondages d'opinion : bulle spéculative, augmentation de la facture d'électricité, risque de black-out sur le réseau, importation massive de panneaux chinois…
Chiffres bidons et mensonges éhontés savamment distillés à des politiques et des médias qui n'ont pas le temps de creuser le sujet ont préparé le terrain d'une décision déjà prise.
Une parodie de concertation n'a servi qu'à enfumer des participants pourtant prêts à jouer le jeu en proposant un dispositif économe de l'argent des Français fondé sur un plafonnement en Euros et non en quotas de puissance installée, bien plus efficace et bien mieux adapté à la dynamique industrielle du photovoltaïque.
Pourquoi tant de haine et d'acharnement ? Pourquoi aujourd'hui ? Il suffit d'ouvrir les journaux !
Déboires sans fin de l'EPR, échecs cuisants à l'exportation, guerre ouverte entre AREVA et EDF, pression à la hausse de l'électricité pour payer la facture de l'atome, tentative de contournement de la loi sur les déchets nucléaires, tout indique que l'heure de vérité qui approche rend nerveux en haut lieu.
Faire du photovoltaïque aujourd'hui après l'éolien hier une victime expiatoire d'un choix historique qui nous conduit droit dans le mur ne ferait qu'aggraver le problème en mettant la France hors-jeu de l'une des plus formidables compétitions industrielles des prochaines décennies, qui draine déjà des investissements mondiaux supérieurs à ceux du nucléaire.
L'industrie française a encore ses chances d'y figurer en bonne place – à la condition impérative de disposer d'un marché national à la hauteur de son rang.
Si Monsieur Fillon persiste — contre l'avis d'un grand nombre de ses amis politiques — et signe l'arrêt de mort qui est sur son bureau, les Chinois pourront se frotter les mains en préparant les containers de panneaux qui équiperont inéluctablement demain les bâtiments devenus à « énergie positive » et les terrains pollués qui jalonnent le territoire.
Quant à lui, il pourra s'apprêter à répondre d'un choix aussi arbitraire que funeste devant les 25 000 salariés sacrifiés — et bientôt devant tous les Français.