L'ex-ministre de l'écologie Delphine Batho, évincée du gouvernement mardi, a donné une conférence de presse très offensive, jeudi 4 juillet à l'Assemblée nationale, pour expliquer les conditions de son limogeage.
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Elle a tout d'abord estimé qu'elle n'avait "commis aucune erreur", et qu'"en aucun cas" elle n'avait "manqué à la solidarité gouvernementale" en critiquant le budget et les coupes dans son portefeuille – qui se voit amputer de 7 % de ses crédits, avec 1 093 emplois supprimés.
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L'ex-ministre a, au contraire, mis en cause le premier ministre, Jean-Marc Ayrault, qui arbitre désormais, estime-t-elle, les budgets "sans discussion directe avec les ministres concernés". "Mon éviction est un message à l'égard de mes collègues : pour leur dire que c'est fini, la collégialité au sein du gouvernement", a-t-elle lancé.
Mais l'entourage de Jean-Marc Ayrault à Matignon a tenu à réaffirmer jeudi soir que "son éviction est uniquement liée à ses déclarations sur son budget qu'elle a jugé mauvais. Si on estime qu'on a un mauvais budget, on quitte le gouvernement".
"TOURNANT DE LA RIGUEUR QUI NE DIT PAS SON NOM"
Delphine Batho a également assuré avoir "demandé l'arbitrage personnel de Jean-Marc Ayrault" sur le budget de son ministère. Une allégation qui a fait réagir Bernard Cazeneuve, ministre chargé du budget.
"Lorsque les ministres ont souhaité des arbitrages à Matignon, des réunions se sont tenues à Matignon en présence du premier ministre et des ministres concernés pour qu'il soit procédé (...) aux arbitrages qui devaient être faits." Or, selon lui, l'ex-ministre de l'écologie n'a pas demandé une telle réunion, contrairement à ses collègues de l'outre-mer, du travail et de l'éducation nationale.
Le budget 2014 "marque un tournant par rapport à la volonté de mener à bien la transition écologique. Je n'ai pas accepté cela en silence", a aussi déclaré Mme Batho. "Ce n'était pas hors de notre portée en termes de choix politique." "Ce que je n'accepte pas, ce n'est pas de faire des compromis, c'est le tournant de la rigueur qui ne dit pas son nom et qui prépare la marche au pouvoir de l'extrême droite dans notre pays", a-t-elle encore asséné.
CÉDÉ À "CERTAINES FORCES ÉCONOMIQUES"
Pour justifier ce "tournant", l'ancienne ministre a ensuite accusé le gouvernement d'avoir cédé à "certaines forces économiques qui n'acceptaient pas le niveau d'ambition que [je] fixais pour la transition énergétique". "Ces forces ne se sont pas cachées de vouloir ma tête, mais si le gouvernement avait été solidaire, elles n'y seraient pas parvenues", a-t-elle ajouté.
En tant que ministre de l'écologie et de l'énergie, Delphine Batho a, en effet, été en première ligne sur les dossiers sensibles du gaz de schiste et de la réduction de la part du nucléaire en France. Elle a dû faire face aux industriels et aux pétroliers, notamment mécontents de la manière dont elle a mené le débat national sur la transition énergétique, dont les conclusions sont attendues le 18 juillet.
"Est-il normal que le PDG de Vallourec ait annoncé ma chute prochaine voilà des semaines aux Etats-Unis ? De quelles informations disposait-il pour le savoir ? Comment se fait-il que des conseillers de Matignon disent du mal de moi dans la presse ?" a-t-elle interrogé.
L'ancienne ministre faisait référence à Philippe Crouzet, le président du directoire de Vallourec – leader mondial des tubes sans soudure utilisés pour les techniques de forage en conditions extrêmes, ce qui est le cas pour l'exploitation des huiles et gaz de schiste –, dont la femme, Sylvie Hubac, est la directrice de cabinet de François Hollande. Philippe Crouzet n'avait jamais caché, lors de déjeuners de presse "off", son mécontentement pour la politique écologique menée par Mme Batho. Cet industriel a néanmoins démenti avoir expliqué que "Delphine Batho était un vrai désastre" lors de l'un de ses voyages aux Etats-Unis.
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"LANCEUSE D'ALERTE"
"C'est sur l'écologie que se concentre l'affrontement avec le monde de la finance. Les forces opposées au changement sont puissantes. Le moment est venu de se mobiliser pour y faire face", a-t-elle alors appelé, revendiquant un statut de "lanceuse d'alerte". "Le temps est venu de reprendre la main du changement, j'appelle la gauche à un sursaut en faveur de l'écologie de l'espoir et des générations futures", a-t-elle ajouté.
Interrogée sur la suite de sa carrière, l'ex-ministre PS, qui est également députée des Deux-Sèvres et qui retrouvera son siège dans un mois, a affirmé n'avoir "pas de projet précis". Elle pense néanmoins apporter "son aide et son expérience" à la fondation de Nicolas Hulot