Cher Monsieur de Margerie,

Comme un grand nombre d’auditeurs de France Inter le 22 novembre au matin, j’ai pu écouter attentivement votre allocution lors de la Matinale de Patrick Cohen.
J’ai apprécié la profondeur d’analyse de votre réflexion sur l’avenir énergétique de notre pays et du reste du monde, notamment votre démonstration implacable sur le gaz de schiste, comparable à votre sens au Paic Citron. Nocif, quand il est bu dilué dans un verre d’eau, mais dont on ne saurait néanmoins se passer à l’état pur dans notre quotidien.
Moralité si je vous suis bien, arrêtons à l’avenir de boire de l’eau si nous voulons continuer de rouler en voiture, voyager en avion et vous permettre de gagner votre vie correctement.
J’ai pour ma part en passant de très efficaces recettes de grand-mère pour se passer du Paic Citron. Nous pourrions échanger là-dessus si ça vous intéresse de faire quelques économies.
Bref, trève de plaisanteries, là n’est pas le sujet de ce courrier.
J’ai été particulièrement touchée d’apprendre que votre travail participait à l’existence si précaire de ce qui me touche le plus au monde et que je pratique tous les jours puisque c’est mon métier : La musique.
Vous l’avez formulé à peu près ainsi, en réponse aux boutades décapantes de notre cher Ben : Sans pétrole et sans électricité, il n’y a pas de musique.
Puis vous avez terminé sur ce slogan qui m’a définitivement faite chavirer :
« de la musique ET du pétrole »
Merci infiniment de mettre tout votre savoir faire au service de mon métier.
Permettez-moi cependant.
Le saviez-vous ?
La musique de tout temps a existé, avant le pétrole et avant l’électricité.
La musique de tout temps existera, après le pétrole et s’il le faut, sans électricité.
Pour vous inviter à ressentir cette préexistence fondamentale et à partager sa beauté, je serais ravie et honorée de pouvoir vous inviter à un événement que je suis entrain d’organiser dans une région qui vous est chère il me semble : L’Ardèche et les Cévennes.
J’y prépare en effet au printemps une semaine de tournée à pied et à cheval. Une série de concerts dans ces paysages sublimes, bruts et préservés.
Un éloge de l’écoute et de la lenteur où on tend l’oreille et où on mesure la distance. Une tournée entièrement acoustique, c’est à dire sans amplification et où l’éclairage, quand il sera nécessaire, sera à la bougie. Vous verrez, c’est aussi très beau un concert sans pétrole ni électricité.
J’ai également cru comprendre que vous étiez fort triste de n’avoir pu discuter avec les habitants des Cévennes et de l’Ardèche à propos de l’extraction chez eux du gaz de schiste.
Je vais prendre le risque de parler ici en leur nom pour vous dire à quel point nous serions ravis de vous accueillir parmi nous pour discuter et participer aux deux débats qui devraient ponctuer cette tournée printanière.
Il y sera question d’avenir, de nouvelles technologies agricoles et énergétiques visant à ne pas empoisonner nos enfants, à respecter l’environnement, à réduire le gaspillage tout en permettant un vivre ensemble joyeux et cohérent.
Un vivre ensemble tourné vers demain, qui tienne compte de ce que nous laissons comme perspectives aux générations futures. Un vivre ensemble à l’échelle des besoins et des possibilités de notre planète. Un vivre ensemble raisonné qui tienne compte d’une situation écologique que nous ne pouvons plus nous permettre de nier et avec laquelle il va falloir composer.
Vous y rencontrerez des gens qui eux aussi offrent leur vie et leur savoir faire pour penser à nos besoins futurs. Des gens qui essayent de trouver des solutions pour ne pas reproduire les mêmes erreurs que par le passé (les catastrophes tel que l’Erika par exemple …), ces erreurs qui ternissent tant votre image en France et à l’étranger, vous en parliez vous même avec consternation jeudi matin.
Vous en conviendrez certainement avec moi, les ressources de notre planète et ses capacités de résistance ne sont pas infinies.
J’ai cru lire récemment sur le site de Total que vous investissiez depuis plusieurs années dans la recherche sur les énergies nouvelles. Des énergies, je cite, « moins émettrices de gaz à effet de serre ». Notamment l’énergie solaire, ceci pour palier à la croissance incessante de la demande énergétique mondiale.
Je ne le savais pas. Quel dommage que nous n’ayez pas développé d’avantage ce sujet à l’antenne de France Inter.
Je me prends en tous les cas du coup à rêver. Peut-être ces rencontres cévenoles vous donneront-elles du coup envie d’aider ces gens et d’investir une partie de vos bénéfices dans leurs travaux ou d’investir un peu plus encore dans la recherche sur les énergies renouvelables ? Peut-être serez-vous intéressé d’offrir votre savoir faire pour réfléchir avec nous sur une réduction possible de la demande énergétique mondiale ceci afin de parvenir petit à petit à ne plus avoir besoin des énergies polluantes?
Voilà qui participerait bien efficacement à redorer votre blason…
Et puis vous nous offririez ainsi à nous musiciens la possibilité de faire peut-être un jour voyager la musique amplifiée sans nuire à notre environnement.

Quoi qu’il en soit, je ne manquerai pas de vous tenir au courant des dates exactes de ces festivités quand tout sera organisé.
Veuillez recevoir en attendant, Monsieur de Marjerie , l’expression de mes sentiments distingués.
Emily Loizeau